Biarritz ayant décidé de tourner le dos à la communauté des scrabbleurs, celle-ci a donc migré vers Bayonne, qui l’a accueillie avec plaisir, comme un pied de nez à sa rivale ancestrale. Car entre ces deux sœurs jumelles de la côte basque, distantes d’à peine six kilomètres, tout est prétexte à affrontement et jalousie, lutte magnifiée par l’opposition historique entre les deux clubs de rugby de l’Aviron Bayonnais et du Biarritz Olympique.
Un temps évoquée à l’heure des difficultés sportives et économiques rencontrées par les deux clubs, la perspective d’une fusion n’a jamais pu aboutir, considérée par beaucoup comme un véritable sacrilège ! Mais d’où se nourrit cette rivalité ? Lorsque que l’on lance cette question à l’heure du petit noir aux habitués du bar Chai Ramina, épicentre de l’âme bayonnaise (où la porte des toilettes arbore un panneau ‘’Aguilera’’, nom du stade de Biarritz…), la réponse n’est pas évidente. On ne sait pas trop d’où vient cet antagonisme : ‘’on ne se supporte pas, mais on ne peut pas se passer l’un de l’autre, un peu comme Peppone et Don Camillo’’. On conclut philosophiquement : ‘’parce que c’est eux, et parce que c’est nous ; et parce que c’est comme ça…’’
Quand on interroge un historien local, celui-ci retient la rivalité d’image : les deux villes ne se situent pas sur les mêmes strates. Bayonne est une cité ancienne, datant de l’époque romaine, qui s’est installée dans un rayonnement local et régional grâce au commerce. Biarritz a une histoire bien plus courte, passant au milieu du XIX° siècle du statut d’un modeste village de pêcheurs à celui d’une cité balnéaire de renommée internationale. La faute à qui ? A une femme bien sûr, Eugénie de Montijo, tombée amoureuse de Biarritz et convaincant son mari Napoléon III de lui bâtir comme demeure le magnifique Hôtel du Palais. Dès lors toutes les têtes couronnées d’Europe s’y pressent, le village de pêcheurs devient la reine des plages et la plage des rois : Biarritz est devenue la guindée, Bayonne la populaire !
Populaire ? Espérons en tout cas qu’elle le deviendra auprès des scrabbleurs festivaliers !
Laurent FREDON